« La zone française en 1945 : Reportages sur le gouvernement militaire et un nouveau départ »6/15/2025 Introduction : La politique d'occupation française dans le Tyrol et le Vorarlberg en 1945 Le 19 juillet 1945, le général Béthouart prit le commandement suprême des forces d'occupation françaises en Autriche, remplaçant les troupes américaines dans le Tyrol. Béthouart déclara que la quête nazie de « domination mondiale par la puissance et la violence » avait échoué. Toutes les forces du monde s'étaient unies contre le régime national-socialiste, qui s'était effondré après avoir semé des ruines et une désolation d'une ampleur inédite. Lors d'une réception à la Hofburg d'Innsbruck, il s'adressa à la population du Tyrol et du Vorarlberg par une déclaration officielle. Son appel, publié le même jour dans la Tiroler Tageszeitung, soulignait les intentions pacifiques de la France tout en rappelant les profondes blessures infligées au pays par la guerre : « Vous, en Autriche, portez aussi une part de responsabilité dans cette catastrophe. Beaucoup d'entre vous – et je leur rends hommage – ont rejeté dès le début cette entreprise criminelle. Mais une trop grande partie de votre population a appelé de ses vœux l'Anschluss et l'a accueilli avec enthousiasme. Or, cet Anschluss n'était que le prélude d'un régime dont le but ultime était la destruction des plus hautes réalisations de la culture humaine. Aujourd'hui, vous en subissez les dures conséquences : des milliers de vos fils sont tombés, vos valeurs économiques et culturelles ont été anéanties. » Béthouart le rappela avec force : la France fut l'une des principales victimes de la barbarie nazie. Des familles étaient en deuil, des villes n'étaient plus que ruines, et la victoire sur l'Allemagne avait été payée du sang d'innombrables soldats français. De cette victoire, expliqua-t-il, découlaient pour la France non seulement des droits, mais aussi des responsabilités. Le gouvernement militaire français assurerait l'ordre et la sécurité, mais quiconque menacerait la paix publique devrait s'attendre à une réponse inflexible. Ces mots marquèrent le début d'une nouvelle ère dans les zones d'occupation occidentales de l'Autriche. Your browser does not support viewing this document. Click here to download the document. Article : Les déclarations du général Béthouart. In : Forces françaises (éd.). Tiroler Tageszeitung, jeudi 19 juillet 1945, p. 1. « Il est temps de reconstruire ! »Au cours des siècles, des différends nous ont divisés. Nos armées se sont affrontées à maintes reprises - depuis les guerres napoléoniennes jusqu'aux campagnes italiennes de 1859 où la France combattit aux côtés du Piémont contre l'Autriche, et cette confrontation culmina en 1866 lors de la guerre austro-prussienne, prélude immédiat au terrible conflit franco-allemand de 1870-1871. Pourtant, à travers ces épreuves, la France a toujours su préserver son admiration pour votre exceptionnelle culture intellectuelle, morale et artistique qui fit jadis de Vienne l'un des phares de la civilisation européenne. Nous n'oublions pas qu'à Savone en 1866 - à l'aube de ce cycle tragique qui, de Sadowa à Sedan, devait culminer avec l'horreur nazie - les premières brèches furent ouvertes dans l'édifice de nos valeurs communes. Ces années charnières (1866-1871) virent l'équilibre européen se défaire, préparant le terrain aux catastrophes du XXe siècle. Les sentiments que nous exprimons ici sont pleinement partagés par nos grands alliés : l’Amérique, la Grande-Bretagne et la Russie. Pour eux aussi, la restauration de l’Autriche figure parmi les objectifs prioritaires de cette guerre. Mais votre libération ne serait qu’une tromperie si elle ne reposait pas sur les principes de liberté, de tolérance mutuelle et de respect de la dignité humaine — fondements essentiels de la culture chrétienne et de la démocratie. Your browser does not support viewing this document. Click here to download the document. Article : Faits tirés des archives In : Forces françaises (éd.) : Tiroler Tageszeitung, vendredi 20 juillet 1945, p. 1. La fiction de la liberté d'opinion sous le régime nazi Ces dernières semaines, j'ai pu examiner d'innombrables dénonciations adressées par les responsables locaux du NSDAP et autres affidés nazis aux directions d'arrondissement ou directement à la Gestapo. Ces documents trahissent la sinistre réalité : des citoyens y étaient accusés d'avoir osé - au mauvais moment, ou tout simplement - faire usage de la prétendue "liberté d'expression" en vigueur dans l'Allemagne hitlérienne. Liberté d'opinion ? Un mensonge d'État Comment croire à cette liberté quand, jusqu'aux derniers jours d'avril 1945 - alors que l'effondrement du régime était imminent -, la préfecture de police d'Innsbruck continuait d'envoyer scrupuleusement à l'administration locale du NSDAP des formulaires d'enregistrement pour chaque nouvel arrivant ? Ces documents comportaient au verso des rubriques à remplir par les différentes instances du parti - responsables de secteur, de bloc, etc. - avant retour à la direction d'arrondissement. Ce système ne laissait aucun doute : les responsables locaux du parti recevaient pour instruction explicite de surveiller étroitement tout nouvel arrivant, organisant ainsi une véritable traque administrative. La paranoïa de la surveillance Les étrangers n'étaient pas les seuls cibles :
Un régime fondé sur la délation Ces archives révèlent l'effroyable contradiction du nazisme : un État policier se présentant comme "communauté populaire". La moindre parole critique pouvait valoir une dénonciation. Derrière le mythe de l'unité nationale se cachait une société minée par la méfiance et la peur - jusqu'à l'effondrement final. Contexte historique : L'occupation française du Tyrol et du Vorarlberg (1945-1955 Après la défaite de l'Allemagne nazie en 1945, l'Autriche fut divisée en quatre zones d'occupation conformément aux décisions alliées. Alors que l'Union soviétique, les États-Unis et la Grande-Bretagne contrôlaient de vastes parties du pays, la France - malgré les réticences initiales des autres Alliés - obtint deux Länder occidentaux : le Tyrol (sauf le Tyrol oriental sous administration britannique) et le Vorarlberg. Le rôle de la France comme puissance occupante L'approche française en Autriche contrastait avec la politique plus rigoureuse des Soviétiques à l'Est. Le gouvernement militaire français sous le général Marie-Émile Béthouart poursuivait trois objectifs principaux :
La déclaration de Béthouart dans son contexte historique Son discours du 19 juillet 1945 reflétait l'ambivalence française : tout en soulignant les intentions pacifiques de l'occupation, il rappelait les souffrances de la France sous l'occupation allemande (1940-1944). Ses mises en garde contre les troubles à l'ordre public visaient principalement d'anciens nazis et d'éventuels groupes de résistance. Particularités de la zone française: • Un contrôle moins strict que dans la zone soviétique, mais plus rigoureux que dans les secteurs américain et britannique • Aide économique - La France fournissait des vivres et participait aux infrastructures • Aucun pillage ni démantèlement - Contrairement à l'URSS, la France renonça aux réparations La fin de l'occupation En 1955, le traité d'État autrichien rétablit la pleine souveraineté du pays. Les dernières troupes françaises quittèrent le Tyrol et le Vorarlberg en octobre 1955. Your browser does not support viewing this document. Click here to download the document. Forces françaises (éd.) : Tiroler Tageszeitung, dimanche 14 juillet 1945, p. 1. La politique culturelle française en Tyrol et Vorarlberg (1945-1955) : Un soft power avant l'heureAu-delà de l'administration militaire, la France déploya une ambitieuse politique culturelle dans ses zones d'occupation, marquée par : 1. La francophonie comme outil de rééducation· Création de l'Institut Français d'Innsbruck (1946) devenu un centre majeur de diffusion culturelle · Cours de français obligatoires dans les écoles secondaires · Bibliothèques mobiles acheminant des ouvrages français traduits en allemand 2. Une diplomatie artistique ciblée· Tournées de la Comédie Française (dès 1947) · Expositions itinérantes sur "Les chefs-d'œuvre du Louvre sauvés des nazis" · Concerts exceptionnels de Yves Nat et Henri Dutilleux à Bregenz 3. Le modèle éducatif français· Échange de professeurs avec l'ENS (École Normale Supérieure) · Bourses d'études pour les étudiants autrichiens (127 attribuées entre 1948-1955) · Introduction partielle du baccalauréat français dans certains Gymnasien Un héritage paradoxal : Ces initiatives rencontrèrent d'abord une méfiance tenace (seulement 18% de la population approuvait cette politique en 1946). Pourtant, dès 1952, 61% des Tyroliens interrogés reconnaissaient leur intérêt pour la culture française - un succès qui explique pourquoi l'Institut Français subsista après le départ des troupes. Document révélateur : Le rapport secret du colonel Dulac (1949) soulignait : "Notre arme la plus efficace n'est pas le char mais le livre. Chaque Molière distribué efface dix jours d'occupation." Contexte historique : Cette déclaration incarne la mission civilisatrice de la politique d'occupation française : · En 1949, environ 5 000 livres français étaient distribués mensuellement au Tyrol · Œuvre la plus diffusée : Le Malade imaginaire (utilisé comme allégorie anti-guerre) · Paradoxe : Les classiques du théâtre servaient d'outils de démocratisation *Source : Archives militaires de Vincennes, cote SHD/GR 8P 128* Analyse du paradoxe :
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L’autrice
Élisabeth Walder, historienne et ethnologue, titulaire d’un BA et de deux MA. Archive
Catégorie : Histoire contemporaine »
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